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L’État peut-il vraiment prendre l’argent des épargnants ?

  • guilhemdetrie
  • 29 sept.
  • 3 min de lecture

La question revient régulièrement, surtout en période de tensions économiques : « L’État pourrait-il, du jour au lendemain, ponctionner l’argent des Français sur leurs comptes ou leurs contrats d’épargne ? »


Derrière cette inquiétude se cache un sujet de droit fondamental : la protection de la propriété privée et les limites de l’action publique.


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Le droit de propriété : un principe constitutionnel

En France, la propriété est protégée par plusieurs textes fondamentaux :

  • Article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

  • Article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. »


Ces deux articles posent une règle simple : l’État ne peut pas se saisir arbitrairement de l’argent ou des biens d’un particulier.

Toute privation de propriété doit répondre à une nécessité publique, être prévue par la loi, et donner lieu à indemnisation. Pour faire simple, il faudrait modifier la consitution pour permettre une telle confisation. La route sera longue !


Comptes bancaires et fiscalité

L’argent placé sur un compte bancaire est juridiquement une créance que le déposant détient sur sa banque. Cet argent fait partie intégrante de son patrimoine, donc il est protégé au même titre que tout autre bien.

L’État ne peut pas « ouvrir les comptes » et se servir directement.

En revanche, il dispose d’un pouvoir fiscal très large :

  • création ou augmentation d’impôts,

  • contributions exceptionnelles,

  • hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

Autrement dit, les comptes bancaires sont protégés contre la spoliation directe, mais pas contre la fiscalité.


L’assurance vie : une protection particulière

Le contrat d’assurance vie occupe une place à part dans le patrimoine :

  • Protection contre les créanciers privés : selon les articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances, les capitaux d’assurance vie ne font pas partie de la succession de l’assuré et ne sont, en principe, pas saisissables par les créanciers privés (sauf primes manifestement exagérées).

  • Limites de cette protection : cette insaisissabilité ne vaut pas face à l’État. Le fisc conserve un droit de recouvrement en cas d’impôts impayés, et le juge peut ordonner une saisie dans le cadre d’une procédure pénale.


En résumé, l’assurance vie est un outil efficace pour protéger sa famille et organiser sa transmission, mais elle n’est pas un rempart absolu contre l’administration fiscale.


La loi Sapin II : un mécanisme de blocage temporaire

Un point méconnu mérite une attention particulière : la loi Sapin II (2016).

Cette loi donne au Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) le pouvoir de suspendre temporairement :

  • les rachats partiels ou totaux sur les contrats d’assurance vie,

  • les arbitrages internes,

  • et même certains versements.


Objectif : éviter une crise systémique en cas de retraits massifs qui mettraient en danger la stabilité financière des assureurs et, par ricochet, du système bancaire. Il ne s’agit pas d’une confiscation : les fonds ne disparaissent pas, mais l’épargnant peut se retrouver temporairement dans l’impossibilité de récupérer son argent.


Autrement dit, la loi Sapin II n’autorise pas l’État à « prendre » l’argent des contrats, mais elle peut en retarder l’accès si la situation financière l’exige. Des alternatives existent.


Oui, mais en cas de situations exceptionnelles

La question qui inquiète souvent est celle d’un scénario extrême, où l’État, confronté à une crise, irait ponctionner directement l’épargne des Français.

  • Une telle mesure serait contraire à la Constitution si elle se faisait sans loi et sans indemnisation.

  • En revanche, rien n’empêcherait le législateur de voter un impôt exceptionnel ciblant l’épargne financière, comme cela s’est déjà vu dans d’autres pays.

  • En temps de guerre ou d’état de siège, des réquisitions peuvent être décidées, mais elles restent soumises à l’exigence d’une indemnité.


Conclusion

Le droit français protège fortement la propriété privée et interdit toute saisie arbitraire des avoirs des citoyens.

L’État n’a pas le droit d’aller directement prendre l’argent sur les comptes bancaires ou les contrats d’assurance vie. Mais il dispose d’un autre levier : la fiscalité.


C’est par l’impôt et les prélèvements sociaux que les finances publiques sont alimentées.


Avec la loi Sapin II, l'état est venu mettre en place un dispositif qui permet le blocage temporaire des rachats d’assurance vie en cas de crise majeure, non pas pour confisquer l’épargne, mais pour préserver la stabilité du système financier.


En clair : l’épargne des Français est protégée contre la spoliation, mais pas contre l’impôt… et son accès peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être temporairement limité.



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